Aujourd’hui je partage avec vous des documents chargés d’histoire. J’étais très pressée de les recevoir et en même temps, j’avais beaucoup d’appréhension, tant le contexte est terrible.
J’ai reçu du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Service Historique de la Défense de Caen), le dossier de déporté de mon arrière-grand-père, Gabriel CAILLET. Pas moins de 16 pages qui viennent consolider son histoire et celle de ma famille.
Mes arrière-grands-parents tenaient un café à Harfleur, au 45 rue de la République. Gabriel s’est engagé tôt dans la Résistance, au sein du réseau « l’Heure H ».
Histoire du réseau : Jean dit « Gérard » Morpain est né à Bordeaux en 1897, il est professeur d’histoire au lycée de garçons du Havre. En 1940, avec des élèves et des connaissances, dont une partie issue de la Grande Loge de France, il fonde un groupe de résistance, « le Groupe Morpain », chargé de se renseigner sur l’activité de l’armée allemande au Havre. Arrêté le 16 avril 1941, il est torturé par la Gestapo. Dénoncé en juin 1941 suite à l’infiltration du contre-espionnage allemand, le Groupe Morpain voit un tiers de ses membres arrêtés, dont certains fusillés, comme le fut Gérard Morpain le 7 avril 1942 au Mont-Valérien. Morpain aura fondé un réseau qui va se développer et prendre le nom de « L’Heure H » en janvier 1942, du nom du journal édité par le groupe de résistance. Le groupe devient « Hamlet-Salesman » en mars 1943, il dépend du SOE (Service secret britannique), avant d’être intégré au réseau « Béarn ».
La fonction de Gabriel au sein de l’Heure H n’est pas encore claire pour moi, il est indiqué qu’il était « Chef de groupe de la Résistance Heure H Section d’Harfleur-Montivilliers ». Il devait certainement s’occuper de l’activité de ce réseau sur ce secteur. Le 15 juin 1943, il intègre le réseau Béarn.
Son nom et ceux de cinq autres : Jules AUBOURG, Gabriel CHANTELOT, Arthur FLEURY, Gaston LEBORGES et Louis LEFEBVRE, sont inscrits sur une stèle à Harfleur, Place d’Armes, sous laquelle est enterrée une urne contenant de la terre du camp de Buchenwald. Cette urne est un hommage « Aux martyrs de la Résistance et de la Déportation 1939-1945 ».
J’attends de recevoir son dossier de résistant du SHD de Vincennes. J’ai aussi au moins 3 cotes d’archives à consulter aux archives de Seine-Maritime à Rouen.
Son pseudonyme était « Maxime », matricule « RUA/709 ».
Le 14 mars 1944, il est arrêté chez lui, par la Gestapo, devant sa famille. Les « circonstances » sont floues « suite à dénonciation Chef de groupe de la Résistance ». Cinq personnes sont arrêtées car impliquées dans la même affaire : MAYER, MAGUIN, CHANDELLIER, TROUART et LEBORGES. Qui étaient-ils ? Ont-ils des descendants ?Il passe deux jours interné à Rouen, puis presque un mois au Havre et deux semaines à Amiens avant d’embarquer dans le « wagon des tatoués » pour Auschwitz, où il arrivera après 3 jours de voyage, le 14 mai 1944. Il y passera dix jours avant de partir pour Buchenwald, puis Langenstein. Il est libéré le 11 avril 1945 par l’Armée Américaine. Il est enregistré comme déporté jusqu’au 3 mai 1945, comme l’indique son certificat de déportation. Je n’ai rien sur son retour, il a dû passer par des camps de transit, des hôpitaux. Il a été hospitalisé presque deux mois avant de rentrer en septembre 1945, comme l’indique une fiche médicale. Le détail de son état général jugé « mauvais » fait froid dans le dos. Le dossier comporte son dossier de déporté du camp de Buchenwald.

Pierre-Louis m’a donné la traduction suivante : « La deuxième fiche décrit les effets qui lui ont été attribués. Elle est signée par le « Effektenverwalter ». La fiche précise « Eingel. (=eingeliefert = livré) le 14.5.1944 en provenance du camp de Auschwitz. Lui ont été remis : 1 manteau (mantel), 1 gilet (Weste), 1 pantalon (Hose), 2 pullover, 2 chemises (Oberhemden), 1 pair de chaussures/bottes (Paar Schuche/Stiefel), 1 paire de collants (Paar Strümpfe), 1 noeud papillon (Binder/Fliege), 1 écharpe (Halstuch). Il y a aussi écrit costume de travail (Arbeitsanzug). »
A son retour chez lui, Mémé Caillet n’a pas reconnu son mari qui entrait, amaigri de 30 kilos.
J’ai l’impression de n’être qu’au début de ces recherches, tant il reste à approfondir le sujet :
– Ses activités au sein des réseaux Heure H, Hamlet-Salesman et Béarn,
– L’internement en France,
– Le trajet retour de Buchenwald,
– L’Après-guerre…
Une belle enquête et des émotions en perspective.
La deuxième fiche décrit les effets qui lui ont été attribués. Elle est signée par le « Effektenverwalter ». La fiche précise « Eingel. (=eingeliefert = livré) le 14.5.1944 en provenance du camp de Auschwitz. Lui ont été remis:
1 manteau (mantel), 1 gilet (Weste), 1 pantalon (Hose), 2 pullover, 2 chemises (Oberhemden), 1 pair de chaussures/bottes (Paar Schuche/Stiefel), 1 paire de collants (Paar Strümpfe), 1 noeud papillon (Binder/Fliege), 1 écharpe (Halstuch). Il y a aussi écrit costume de travail (Arbeitsanzug). Il y a encore une mention sur la droite écrite à la main que je n’arrive pasa bien à lire, si ce n’est le mot « gelb ».
Merci infiniment Pierre-Louis ! 🙂
Le début d’une enquête, des questions en suspens et certainement le coeur serré pour lui, sa famille et ses compagnons. Un beau billet.
Merci pour ton commentaire Nathalie.
Bel article et très intéressant. Je suis contente que tu m’aie fait partager tes trouvailles, maintenant je suis pressée de voir ce que Vincennes va t’envoyer! A moins que tu y ailles directement… 🙂
Par contre, ça m’intrigue que dans la fiche de Buchenwald, ils lui marquent qu’ils lui aient attribué un noeud papillon….
Oui c’est vrai pour le nœud papillon ! Je te tiens au courant pour Vincennes, ce mois-ci avec les jours fériés je pense pas que j’aurai le temps. Par contre si j’ai pas de nouvelles de leur part début juin faudra se programmer ça !
Bonjour,
Après guerre, les déportés/internés déposaient un dossier permettant d’obtenir le statut et la carte de déporté.
J’ai pu obtenir le dossier de mon arrière grand père auprès du ministère de la défense. Ce dossier est très riche et contenait entre autres des procès verbaux décrivant les circonstances de l’arrestation, le parcours du déporté, etc.
Bonne chance pour la suite de vos recherches.
Johann
Bonjour Johann, je suis heureuse que vous ayez pu enrichir vos recherches ! Je suis pressée de recevoir la suite.
Une enquête passionnante chargée d émotions sur les traces de votre arrière grand père.
À bientôt de vous lire
Anne
Merci beaucoup Anne pour votre commentaire.
[…] 6 mai dernier, j’avais consacré un article sur la déportation à Buchenwald de mon arrière-grand-père, Gabriel CAILLET. A ce moment-là, je […]
Bonsoir!
J’ai moi même un ancêtre qui est allé en camp de concentration… Que d’émotions à la réception des documents. Si ce n’est pas fait je vous conseille de faire une demande de recherche sur le site des archives de Bad Arolsen qui possède beaucoup de documents.
Je ne sais pas pour vous mais personnellement il y-a beaucoup de mots allemands dont je suis incapable de trouver une traduction, ce qui complique le déchiffrage.
Bonjour,
Pour ma part, je ne parle pas du tout allemand ! Oui il faut que je fasse une demande aux archives de Bad Arolsen, en plus ils ont un peu de délai…
A bientôt
Bonjour,
Je viens à l’instant de lire votre page. Je suis moi-même petit-fils d’un ancien résistant déporté,. Arrêté à Rouen en décembre 43, interné à « Bonne nouvelle », Compiègne, déporté le 27 avril 1944. Nous aurions peut-être des infos à échangés. N° de côtes d’archives….
N’hésitez pas à me contacter.
Cordialement