Chaque troisième samedi du mois, nous nous retrouvons autour du RDV Ancestral, thème d’écriture autour de la généalogie, initié par le généalogiste Guillaume Chaix du blog LGDA. Il s’agit de faire un saut dans le passé et de partir à la rencontre de l’un de nos ancêtres.
Picardie, début 18e.
J’ai du mal à trouver mes repères, je ne sais ni dans quelle ville, ni en quelle année je me situe. Je n’ai aucune idée de la taille de la maison dans laquelle je me trouve. Le salon est toutefois très luxueux, il donne sur une immense bibliothèque avec un bureau. Beaucoup de portraits ornent les murs. La personne qui vit ici a beaucoup de goût et certainement des moyens. Puis le majordome entre dans le salon et annonce Mme Charlotte-Louise PROVOST, dame de Mancy.
Une dame très élégante entre dans la pièce. Son visage est rond, presque enfantin, elle n’a aucune ride et je ne saurais dire quel âge elle a. Elle porte une robe blanche avec beaucoup de dentelle et des broderies dorées.
Au milieu de la pièce trône un tableau sur un chevalet. Je remarque qu’il s’agit d’elle. Le tableau l’avantage, elle semble plus jeune et plus svelte.
Charlotte-Louise s’extasie devant le tableau et s’adresse à moi.
– Qu’en pensez-vous Mademoiselle ? On vient de me l’apporter.
– C’est un très beau tableau, vraiment. Votre manteau bleu est bien joli.
Ce tableau ne m’intéresse pas beaucoup, j’ai énormément de questions à poser Charlotte-Louise, l’aïeule de mon conjoint et je n’ai pas beaucoup de temps devant moi.
– Madame, je me demandais qui étaient vos parents ?
Mon hôte me regarde, elle me sourit et tend sa main vers le tableau.
– Regardez ce tableau et dites moi ce que vous voyez.
Etonnée d’une telle réponse, je constate qu’elle évite ma question. Je regarde le portrait, mais je ne m’y connais pas beaucoup. Je remarque que Charlotte-Louise pose de face, avec la tête légèrement tournée vers la gauche. Elle porte un magnifique manteau bleu nuit. Sa robe ressemble beaucoup à celle qu’elle porte. Je ne l’ai pas remarqué plus tôt, mais c’est une perruque grise qu’elle a sur la tête. A cet instant, je comprend qu’elle est issue d’une famille de haut rang, ces perruques étaient à la mode dans ces milieux. Le fond du tableau représente une végétation dense, des arbres et un brin de ciel bleu. Je regarde par la fenêtre. Cela a dû être peint dans le jardin. J’envisage d’aller y faire un tour après. Finalement, j’aime bien ce tableau.
Alors que je me retourne vers Charlotte-Louise pour lui répondre, je m’aperçois elle n’est plus là. Je sors de la pièce, mais le couloir est vide, le majordome aussi a disparu. Je retourne donc en direction du tableau pour l’observer une dernière fois avant que le décor ne s’efface.
Je comprends ce qu’elle a voulu dire. Ce tableau m’aidera peut-être à en savoir plus. Je dois savoir ce qu’il est advenu de son portrait.
De retour dans le présent, je consulte Gallica et le site du Ministère de la Culture. Charlotte-Louise est un mystère pour moi. Je ne sais que peu de choses sur elle, si ce n’est qu’elle a vécu à Soissons avec son époux Antoine JARRY DE MANCY au début du 18e siècle. Il n’y a pas d’archives communales la concernant. Elle n’aura qu’un fils, Antoine-François JARRY DE MANCY qui lèguera à son propre fils Louis, la terre de Mancy que Charlotte-Louise possédait de son vivant. Ce dernier achètera le Château des Fossés à Haramont, où a vécu Alexandre DUMAS père. Louis aura deux enfants de son premier mariage avec Adrienne Jacqueline LE MAIRE : Adrien et Antigone. Il aura également une autre fille, Esther, de son second mariage avec Reine Sophie DE MOUY.
En 1877, Antigone lèguera plusieurs œuvres au musée de Soissons : le fameux portrait de son arrière-grand-mère Charlotte-Louise, mais aussi le portrait d’Antoine-François, son grand-père ainsi que celui de sa belle-sœur, Adèle LEBRETON, la femme d’Adrien. Adèle était une artiste talentueuse, auteur du livre « Perspectives simplifiées », elle a réalisé de nombreuses œuvres.
Esther JARRY DE MANCY épousera François ADAM, dont l’arrière-petite-fille, Florence, était l’arrière-arrière-grand-mère de mon fils.
Je sais que ma prochaine étape est le musée de Soissons pour découvrir ces œuvres.
Tout le monde n’a pas un ancêtre portraituré par Largillière !
Oui c’est certain ! Je me demande combien ce tableau lui a coûté !
Elle s’est envolée cette belle dame, mais je suis sûre que tu sauras la retrouver en collectionnant ses traces.
J’aime beaucoup ce #RDVAncestral devant ce portrait exceptionnel.
Merci Marie ! Oui j’espère aussi !
Très intéressant de pouvoir mettre un visage sur un ancêtre aussi lointain ! Je dirais qu’elle a une quarantaine d’années sur ce tableau, non ?
Les infos annexes doivent être plus faciles à trouver pour quelqu’un de la noblesse : plus de traces laissées un peu partout, ou du moins plus de traces conservées. Peut-être quelqu’un a-t-il parlé d’elle dans ses écrits, peut-être les dates importantes de sa vie sont-elles citées dans un précis nobiliaire, et sûrement les notaires ont-ils rédigé des actes la concernant. Que d’aventures en perspective !
(par contre on ne peignait jamais en extérieur à cette époque, le paysage est donc créé d’imagination par le peintre)
Oui, elle aurait entre 30 et 40 ans d’après les estimations. J’ai beaucoup consulté Gallica et là je suis sur son acte de mariage et les témoins. Sur Geneanet, certains avancent quelques pistes intéressantes.
Il va falloir que je lance des bouteilles à la mer du côté des AD de l’Eure-et-Loir, Paris et l’Aisne. Je vais éplucher le cadre de recherche pour les actes notariés, mais j’aurai du mal à me déplacer dans ces salles d’archives loin de chez moi. Comme vous dites, il y a une piste qui m’intéresse beaucoup c’est celle des archives privées, je vais regarder les fonds privés des « notables » dans les AD départementales.
[…] Le portrait de Charlotte-Louise, par Marion , sur Magenea […]